En héritant du brassard de capitaine de l’équipe de France, Kylian Mbappé cultive encore un peu plus sa ressemblance avec celui qui fut son idole de jeunesse, Cristiano Ronaldo. Avec la Seleção das Quinas, CR7 avait obtenu le rôle au même âge et avait d’abord eu du mal à l’assumer. Avec la maturité, il avait fini par accompagner son influence technique à un leadership global et bénéfique.
6 février 2007. Le Portugal affronte le Brésil dans un match de gala à Londres et pour l’occasion, Luiz Felipe Scolari décide d’offrir le brassard de capitaine à Cristiano Ronaldo, qui a fêté ses 22 ans la veille. En réalité, il ne s’agit pas que d’un cadeau d’anniversaire : faire du prodige le plus jeune “Capitão” de l’histoire était aussi l’une des dernières volontés de Carlos Silva, vice-président de la Fédération décédé quelques jours plus tôt d’une longue maladie.
“Felipão”, le sélectionneur, n’hésite pas une seule seconde. Depuis un soir de septembre 2005, où Ronaldo a tenu à disputer un match important face à la Russie quelques heures seulement après avoir appris la mort de son père, le Brésilien est convaincu que l’attaquant peut parfaitement assumer ce rôle.
Finalement, CR7 héritera définitivement du brassard un an et demi plus tard, à 23 ans et 9 mois. A peine plus tôt que Kylian Mbappé avec l’équipe de France. Le Portugais est lui aussi, déjà, le meilleur joueur du monde et s’apprête à décrocher son premier Ballon d’Or. Mais à l’époque, le choix ne fait pas franchement l’unanimité.
“Pourquoi diable Queiroz a-t-il décidé de confier le symbole du leadership à une jeune star, individualiste et peu préparée à gérer des intérêts collectifs comme l’est encore Ronaldo ?”, écrit Record, l’un des trois journaux sportifs locaux, en septembre 2009 alors que le Portugal est très mal embarqué dans sa quête de qualification pour la Coupe du monde.
Ronaldo veut assumer toutes les responsabilités même si son rendement avec la sélection n’a rien de comparable avec ses performances en club. Et tant pis si en interne, certains estiment que le rôle aurait dû revenir à des éléments certes moins vocaux, mais surtout plus expérimentés voire méritants, comme Deco, Ricardo Carvalho, ou même Tiago. Tiago, joueur très apprécié d’un certain… Antoine Griezmann.”Beaucoup n’étaient pas d’accord à l’époque, racontera plus tard Carlos Queiroz, successeur de Scolari, dans une interview à Expresso. Je pense que ce n’était pas bon pour Cristiano lui-même. C’était trop tôt.”L’ancien adjoint de Sir Alex Ferguson est bien placé pour le savoir. En 2010, alors qu’il est devenu un joueur du Real Madrid et que sa rivalité avec le FC Barcelone de Lionel Messi s’apprête à atteindre des sommets, le buteur voit en la confrontation face à l’Espagne, en 8e de finale du Mondial, un match idéal pour s’affirmer sur le plan individuel.
INTÉRÊTS PERSONNELS
Mais face à la machine espagnole et avec le plan de jeu minimaliste de Queiroz, difficile d’exister. “Carlos, on ne gagnera pas de cette manière“, balancera même la star lusitanienne à son sélectionneur, après un remplacement peu ambitieux.
Furieux après l’élimination, Ronaldo crache sur une caméra et quitte le stade sans répondre à ses obligations médiatiques. La presse s’enflamme. Les anciens s’insurgent. “Selon moi, un capitaine doit être différent, souligne Luis Figo dans la foulée. Il doit toujours défendre le groupe. Y compris dans les moments difficiles.”Interrogé en zone mixte sur les causes de la défaite, CR7 ne daigne pas s’arrêter mais donne, en quelques mots, le fond de sa pensée : “Demandez donc à Carlos Queiroz.” Le message est on ne peut plus clair.Les deux hommes avaient pourtant, très tôt, discuté du décalage entre les ambitions personnelles de la star de Madère et l’intérêt collectif. “Je lui ai dit : ‘Nous avions déjà le défi de faire de toi le meilleur joueur du monde’, confiera l’ancien sélectionneur. Maintenant, nous avons une nouvelle étape devant nous : savoir si tu peux être le meilleur capitaine de l’équipe nationale.“
RONALDO EST DEVENU UN VRAI “CAPITÃO” À 31 ANS
Il le deviendra. Bien plus tard. Après plusieurs années durant lesquelles sa dimension, son influence et sa communication lui permettront de couper les têtes de ses sélectionneurs (Queiroz, Bento).
Il n’y a pourtant pas eu de déclic, si ce n’est l’âge. Avec la maturité, Ronaldo a simplement pris conscience que le rôle de capitaine dépassait très largement celui des buts, et qu’il avait beaucoup à gagner à tirer les autres vers le haut. Le Portugais est devenu un “Capitão” irréprochable à plus de 30 ans. A l’Euro 2016, plus précisément.En quart de finale, alors que la Seleção das Quinas est amenée jusqu’aux tirs au but par la Pologne, et que certains de ses coéquipiers sont tétanisés, CR7 prend les devants. “Viens le tirer, ordonne-t-il à Joao Moutinho, pas emballé par l’idée.
Tu les tires très bien. Tu as de la personnalité. Si on perd, tant pis. C’est entre les mains de Dieu maintenant.”En finale face aux Bleus, après sa propre blessure, la superstar a été la seule à croire en l’exploit, au milieu d’une équipe “congelée” – selon les mots de Ricardo Quaresma – par la sortie de son leader. “Ronaldo m’a dit que je marquerais le but de la victoire“, révèlera même le héros Eder après coup. Son attitude dans la zone technique, aux côtés de Fernando Santos, a même fini par dépasser celle d’un simple capitaine. Six ans plus tard, la dernière Coupe du monde de sa carrière l’a fait retomber dans ses travers.
