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INDUSTRIE SUCRIÈRE : Rien ne va plus… | Est Presse
Friday, April 19, 2024
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INDUSTRIE SUCRIÈRE : Rien ne va plus…

Ce n’est un secret pour personne. Depuis quelques années déjà, l’industrie sucrière souffre de plusieurs maladies : Baisse du prix du sucre sur le marché mondial, démantèlement du système de quota garantie pour le sucre mauricien en Europe, manque de moyens pour la modernisation, sérieuse pénurie de travailleurs, champs de cannes délaissés, d’autres remplacés par des lotissements. Véritable gangrène. L’heure est vraiment grave.

Selon les observateurs les plus avertis, sauf miracle, la catastrophe est derrière la porte. L’industrie se trouve au bord du précipice. Les coupeurs et coupeuses de cannes à sucre n’ont plus 20 ans. La plupart a déjà passé le cap de la cinquantaine et beaucoup sont déjà officiellement, des retraités. Certains travaillent toujours…sous contrat. D’autres sont à la maison. La mécanisation est devenue inévitable. Mais, elle n’est pas pratique pour une très large superficie de terre. Surtout ces vastes étendues rocheuses et marécageuses. Le « derocking » coûte une fortune pour en dire le moins. Finalement, n’est pas alarmiste celui qui dit que cette industrie, jadis l’épine dorsale de notre économie, est à bout de souffle. Oui, tout peut s’effondrer à n’importe quel moment.

Le gouvernement a récemment commandité une nouvelle étude pour une réforme, de fond en comble, de cette industrie qui a été la mère nourricière du pays pendant de longues années. L’étude se fait avec le concours des experts de la Banque Mondiale. Il faut bien essayer de redresser la barque autant que possible. Le ministre de l’Agro-Industrie, M. Manish Gobin, l’a fait ressortir lors de la dernière remise des titres de propriétés à certains des travailleurs de l’industrie. Des travailleurs qui ont opté pour le Voluntary Retirement Scheme (VRS) à Alteo quelques temps avant l’annonce du lock down. 

Nous avons, la semaine, pris la direction d’un champ de canne dans le véhicule d’un « contracteur », M. Parasmanee Baichoo. Un homme qui cerne bien les rouages de cette industrie. Cela, on peut parier. 

A 6h30 en ce vendredi matin, nous étions déjà à Belle Mare dans le champ, appartenant à Constance La Gaieté. Il y avait les chants des oiseaux, le beuglement du troupeau de la cinquantaine de bœufs de la nouvelle ferme bovin de l’usine, le bruit des vagues de Belle Mare. Mais, malgré le froid, le son des sabres de ces hommes et femmes au boulot, coupant les cannes, se faisait entendre pour ne pas dire, dominaient notre attention.  Comme pour nous faire comprendre que c’est vraiment la coupe ici, c’est l’heure de la moisson. 

M. Parasmanee Baichoo, contracteur 50 ans au service de l’industrie sucrière: 

« La situation est vraiment précaire»

Par le temps qui court, le plus gros souci des planteurs, c’est le manque de travailleurs pour planter, soigner et couper la canne. En cette période de coupe, nous avons choisi d’aller à la rencontre des coupeurs de cannes travaillant pour le compte d’un « contracteur » très connu et respecté à Constance, M. Parasmanee Baichoo. L’expérience de notre interlocuteur qui nous avait donné rendez-vous, est son atout. 

Au sein de son équipe se trouve 23 femmes et 2 hommes. Il y a un peu plus de dix ans, la plupart ont décidé de quitter Constance en optant pour le VRS, mais sans pour autant abandonner les champs. Chaque matin, de lundi à vendredi, c’est le même rituel. Vers 6h00, M. Parasmanee Baichoo s’en va prendre « ses » travailleurs. « J’ai travaillé pendant 40 longues années à Constance comme sirdar. Cela fait 10 ans depuis que j’ai décidé de me mettre à mon compte comme contracteur. J’ai 67 ans et donc vous avez une idée de ma connaissance dans la canne à sucre. Il m’arrive de mettre la main à la pâte. Il faut que j’encourage ceux qui sont dans mon équipe. Il me faut faire preuve de compréhension lorsqu’ils ont des problèmes de santé. Enfin, je me considère comme un bon patron pour eux. Je dois vous dire si on n’est pas flexible, ils nous laisseront sur le pavé. Nous souffrons d’un manque de travailleurs. Je suis très concerné. La situation est précaire dans l’industrie sucrière. Je peux même dire qu’un beau jour, on va me dire qu’il faut fermer boutique » avoue M. Baichoo, qui habite le petit village de Riche Mare. 

Somantee Boyjonath, coupeuse de cannes depuis 41 ans

« Les jeunes ont d’autres priorités. Pas l’agriculture et c’est dommage » 

A 61 ans, elle est toujours enthousiaste pour travailler dans les champs de cannes. Lorsque ce n’est pas la coupe, elle fait la culture, le dépaillage des cannes et le nettoyage des champs entre autres. Cette femme mariée et mère de trois enfants, connaît les champs de cannes comme ses dix doigts. Puisqu’elle y travaille depuis qu’elle a 20 ans. Elle était d’abord employée à Constance La Gaieté jusqu’à ce qu’elle décide de prendre le VRS contre une somme d’argent et un lopin de terre de 7 perches dans le morcellement VRS, à Plaine des Gersigny. Elle s’appelle Somantee Boyjanath.

Quotidiennement, la journée de cette dame, à l’allure costaud et fit, démarre à 4h00. C’est d’abord la tâche ménagère. Préparation du repas de son mari aussi qui, comme elle, est sous la férule de M. Baichoo (C’est le seul couple qui est attaché avec le contracteur). Une fois qu’elle prend place dans le van du patron, en compagnie de son mari, Dharm, lui âgé de 70 ans, elle sait que c’est une tâche importante qui l’attend. « Il faut mettre la tête dans le travail et tout donner pour que la production du sucre soit bonne tant que nous avons le courage. Je me conditionne bien pour réussir ma journée et gagner mon salaire à la sueur de mon front. Mais, franchement j’ai peur pour l’industrie. Les temps ont changé. De nos jours, les jeunes ont d’autres priorités que l’agriculture. C’est dommage. Ils ne veulent plus entendre parler de travailler dans les champs, d’élever des animaux ou de s’adonner à la culture des légumes. La terre n’est pas pour eux. Pourtant, l’agriculture paye bien son maître. Je plaide toujours pour un retour à l’agriculture lorsque je parle aux jeunes. Ce serait vraiment dommage si Maurice doit se passer de la culture de la canne à sucre, de celle des légumes et de l’élevage. Mais, la situation me fait croire que l’avenir de l’industrie sucrière est celle dont l’avenir est le plus compromis. Si rien n’est fait, ce sera vraiment la fin de cette industrie qui a fait vivre le pays » dit-elle avec une certaine tristesse. 

M. Azad Mohamedhossen, Unit Leader à Constance La Gaieté

« L’avenir de l’industrie est vraiment très sombre »

M. Azad Mohamedhossen exerce toujours pour le compte de Constance La Gaîeté comme Unit Leader. Son travail, c’est la supervision des travaux qui se font dans les champs de cannes en période de coupe et de l’entre coupe. C’est lui qui attribue les tâches aux « contracteurs ». Pour cet homme de 60 ans qui compte 40 ans de service dans cette compagnie sucrière, beaucoup ne sont plus comme avant. « A l’époque, il y avait plus d’une dizaine de variétés de cannes. Aujourd’hui, il n’en reste pas beaucoup. L’avenir de l’industrie est vraiment très sombre. Le white colour job est préféré au travail dans les champs. L’industrie sucrière se trouve dans le rouge. Je ne vois pas la situation s’améliorer parce qu’il manque de volonté politique. Cela dure depuis des années et je ne passerai pas par quatre chemins pour dire que tous les gouvernements qui se sont succédés en sont responsables » nous a-t-il fait comprendre. Est-ce que l’industrie peut être sauvée ? D’un air pessimiste, l’homme répond : « Non. Il est trop tard ». Seul, l’avenir dira s’il a raison ou pas. 

Rs 25,000 par arpent : La bouée de sauvetage du gouvernement aux petits planteurs

Pour la deuxième année consécutive, le gouvernement a, dans son budget, servi de bouée de sauvetage en faveur des petits planteurs de cannes. Comme l’année dernière, pour pallier au manque à gagner des petits planteurs, soit ceux qui cultivent la canne à sucre sur une superficie de moins de 10 Arpents de terre, le gouvernement a décidé de les allouer une somme de Rs 25,000 pour chaque tonne de sucre produite jusqu’à un total de 60 tonnes contre Rs 11,630 que perçoit les Corporate Planters ou usinier planteur.  Donc, quelque part, les petits planteurs sont bien mieux lotis que les usiniers. Cette situation ne met certainement pas les usiniers en confiance alors que les petits planteurs continuent, eux, de souhaiter que le gouvernement continue de les soutenir pour pouvoir les permettre d’assurer la survie d’une tradition. Est-ce rentable à long terme ? La réponse semble évidente et Il faut croire que des jours sombres attendent hélas cette industrie cannière qui a tant servi au développement de notre pays…Cette industrie qui dans les années 90 comptait jusqu’à 50,000 travailleurs. Cette industrie qui aujourd’hui n’en compte pas plus de 4,000. Cette industrie qui, si rien n’est fait, disparaîtra.

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